24 octobre 2021

 

(extrait n° 4)

Additionner ces diversités

Pendant ce temps, « débarrassée de tout surmoi marxiste, soucieuse de prendre ses distances avec des références devenues moins mobilisatrices qu’auparavant, la gauche assumait le réel avec courage ». Implorant la clémence des marchés, insultant la mémoire de ceux qui partout sur la planète se sont levés pour le triomphe de ses idéaux, endurant la prison, l’exil ou la mort, elle s’ouvrait à « la multiplicité des demandes sociales », dilapidant les vestiges de son prodigieux héritage moral pour se prosterner devant les commissaires sans écharpes qui officient dans les institutions communautaires. Et « contre la tendance naturelle à la reconquête d’un électorat hanté par le sentiment de déclassement, inquiet de l’avenir désarçonné par certains phénomènes de la modernité », cédant aux « sirènes du populisme », incapable de « se mettre en phase avec les nouveaux référentiels de l’autonomie individuelle », et toujours disposé sans doute à dénoncer un voisin juif à la Gestapo, elle s’efforçait de « faire le plein des voix auprès des catégories qui ont montré qu’elles lui étaient majoritairement acquises, les diplômés, les minorités des quartiers populaires, les non-catholiques et les habitants des grandes villes » : « la France de demain, plus jeune, plus diverse, plus féminisée, un électorat progressiste sur le plan culturel ». Plutôt que d’attiser les luttes de classes, « en ces temps délétères où le peuple de la droite la plus réactionnaire bat le pavé à pas cadencé », elle s’engageait sans réserve contre la « précarité menstruelle », contre la « ségrégation sexuelle dans les toilettes publiques », la « discrimination raciale à l’Opéra de Paris », en faveur du « droit de chacun à vivre comme il l’entend », du « droit des femmes musulmanes à choisir leur tenue de plage », du « droit à l’enfant », et de « la diversité, qu’il faut écrire au pluriel, car il en existe en quantité, de croyance, d’éducation, de goût, de modes de vie, sans oublier les disparités d’âge, de santé, de revenus, et de territoires ». Il y a des riches et des pauvres, il y a des malades et des bien portants, « il suffit d’additionner ces diversités de manière positive ». Et comme il n’y avait pas grand-chose à faire contre la finance, mon véritable adversaire, les bavardages sur le vivre ensemble ou sur la tolérance servaient d’accessoires aux licenciements et aux privatisations.

Quelques-unes n’avaient pas la même dignité cependant, parmi ces diversités, car elles étaient de droite, la différence que les hommes et les femmes tiennent de leur nature biologique en particulier, unanimement reconnue et codifiée dans toutes les civilisations depuis la nuit des temps, qui procède d’un « conditionnement obtenu par dressage ». Pour faire reculer les inégalités résultant de cette différence-là, et pour conduire les écoliers à adopter « un point de vue ouvert sur les réalités sociales et les nouveaux modes de vie », il fallait promouvoir la « diversité sexuelle », qui est de gauche, « renforcer les partenariats avec les associations LGBT intervenant en milieu scolaire », convaincre les petites filles de jouer à la guerre, les petits garçons de langer les poupons, les lycéens de se présenter en jupe dans leur établissement au moins une fois dans l’année.

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  Passant mal intentionné, passe ton chemin !     PARU EN JUIN 2022  AUX ÉDITIONS DE L'ALL É E DES BRUMES : « UNE MERVEI...